La reconstruction du Pays de Vire
La Seconde Guerre mondiale a profondément marqué le Pays de Vire. Les stigmates de la guerre sont notamment visibles par un abondant bâti datant des années 1950-1960 que nous apercevons dans les villes et villages du territoire, et qui laisse deviner l’ampleur des dégâts en 1945. Il est difficile de parler de la reconstruction sans évoquer préalablement la cause principale des destructions : les bombardements aériens de l’été 1944. Le Général Eisenhower nommé Suprême Commandant des Forces Expéditionnaires Alliées pour l’opération Overlord décide d’utiliser des bombardiers lourds pour soutenir les troupes terrestres avant et pendant la Libération. Pour que l’invasion soit une réussite, il a fallu débarquer le maximum d’hommes et de matériel ainsi que retarder l’arrivée des renforts allemands. Plusieurs villes bas-normandes furent bombardées par les forces aériennes britanniques et américaines dans le but de créer des nœuds routiers. Vire, Aunay sur Odon, Condé sur Noireau, Villers Bocage, Noyers Bocage, Cahagnes figurent parmi les cités les plus touchées de la région. Tout était alors à refaire ou presque…
La reconstruction des villes et villages, comme partout en France, fut encadrée par l’État. Le choix des urbanistes et architectes revint au Ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme, créé en novembre 1944 par le GRPF1. Dans chaque commune, la maîtrise d’ouvrage était organisée de manière pyramidale, le premier travail était celui de l’urbaniste, en charge du Plan de Reconstruction et d’Aménagement. Une fois ce plan approuvé, des architectes étaient désignés pour travailler sur différents projets : immeubles, église, bâtiments communaux. Un architecte en chef, venait coordonner tous les projets et vérifier la compatibilité avant le plan d’urbanisme. Parmi les grandes caractéristiques architecturales de cette période, nous pouvons noter l’utilisation massive du béton, assez souvent recouvert d’une pierre de parement, de la pierre calcaire vers Aunay-sur Odon et Villers Bocage, et du granit dans la zone Vire – Condé-sur-Noireau.
Les particuliers, les commerçants et les municipalités devaient remplir un dossier de dommage, un architecte expert venait estimer les montant des dégâts en calculant le montant d’une reconstruction à l’identique. Les contraintes liées à l’urbanisme obligèrent néanmoins à reconstruire différemment. Les grandes caractéristiques de la Reconstruction sont également urbanistiques, les axes de communication, la voirie sont repensés pour améliorer la circulation.
La reconstruction à Vire
Vire fut l’une des villes les plus touchées par le bombardement. Pour le débarquement, plus de 90% a été détruit. Près de 1 500 logements et la plus grande partie des édifices publics sont réduits à des amas de décombres d’où émergent la Porte Horloge, l’église Notre Dame et les ruines du Donjon. Le Ministère de la Reconstruction et l’aide internationale fournissent des logements d’urgence prêt-à-monter. Ces baraquements préfabriqués provisoires en matériaux légers, sont achetés en étranger (USA, Suède, Canada, etc.) ou produits en France. La maison préfabriquée américaine (UK 100) d’environ 60m2 est la plus confortable. Pendant la reconstruction, la trame urbaine est préservée dans ses grandes lignes. Les principales transformations sont l’ouverture d’une place centrale devant la Porte Horloge et l’aménagement d’une zone industrielle autour de la gare, à Neuville.
Le Parisien Marcel Chappey est l’architecte en chef de la reconstruction et a pour mission de coordonner les projets de construction des immeubles. L’architecte municipal Raymond David, originaire de Vire, suit la construction sur place. Le granit est utilisé principalement pour les façades de rue, sur l’arrière, les murs sont en moellons enduits. Dans les rues du centre, les immeubles sont distincts les uns des autres et sont animés de lucarnes, de bow-windows, de frontons, etc. En 1951, Claude Herpe, un nouvel architecte en chef est nommé. Désormais, les formes architecturales se distinguent par des murs enduits, des toits monopentes, des étages en porte-à-faux et des loggias. Mais les deux opérations les plus emblématiques sont l’hôtel de ville et l’ensemble de la rue du Haut-Chemin. La reconstruction de la ville a duré une vingtaine d’années, mobilisée une douzaine d’architectes, deux cents entrepreneurs et des milliers d’ouvriers.
Source : site « ma ville, mon patrimoine »
Les églises de Pré-Bocage Intercom
Parmi les bâtiments emblématiques de cette intense période de reconstruction, nous avons les églises paroissiales. La reconstruction des logements et des équipements publics fut moins spectaculaire car soumise aux contraintes de l’urbanisme. En revanche, dans chaque ville ou village, emplacement bien dégagé était réservé pour l’église, cela permit aux architectes de laisser libre cours à leurs idées. La plupart des communes du bocage, propriétaires de leur église paroissiale, laissèrent la maîtrise d’ouvrage à la Société coopérative de reconstruction des églises et édifices religieux sinistrés du Calvados. Après guerre, le clergé face aux changements des mentalités, décide d’adapter l’architecture en rapprochant le fidèle de l’autel et du prêtre. Cela se traduit par l’abandon du traditionnel nef, choeur et transept pour un espace unique. Certains architectes s’inspirent des églises des premiers chrétiens (l’art paléochrétien), en déplaçant les fonds baptismaux vers une chapelle située à coté de l’église. Les premiers chrétiens étaient effectivement baptisés par immersion, la cuve baptismale se trouvait généralement à côté de l’église. À Aunay-sur-Odon, Villers-Bocage et Cahagnes, l’architecte remplaça le clocher par une tour campanile placée sur le côté, toujours dans l’esprit des premières églises. En entrant dans ces églises reconstruites, la simplicité est de mise, la décoration est volontairement sobre, la tendance est au dépouillement toujours dans l’esprit des premiers édifices chrétiens. Ces idées nouvelles préfigurent la réforme liturgique du concile Vatican II.
Un label spécifique
La Région Normandie a créé en 2020, le label « Patrimoine de la Reconstruction en Normandie ». Il vise à prendre en compte à la fois son intérêt historique et architectural, son potentiel culturel et touristique, sa place dans l’aménagement du territoire et dans le cadre de vie des habitants. Le but de ce label est de sensibiliser les normands à la richesse de ce patrimoine, soutenir la préservation et la mise en valeur de ce patrimoine et intégrer le patrimoine de la reconstruction dans la sphère du tourisme de mémoire.