Cet été, Matthieu, notre guide conférencier, vous propose des visites guidées valorisant la nature et le patrimoine du Pays de Vire. Dans cet article, il vous convie à l’une de ses visites préférées : au Plessis-Grimoult et plus précisément sur le Mont Pinçon. Point culminant du Calvados, cette éminence est surtout connue pour son antenne. Vous êtes nombreux à passer à proximité de ce lieu lorsque vous empruntez l’A84, mais le connaissez-vous vraiment ?
Des ressources naturelles
Il y a des millions d’années, le Mont Pinçon, dont les bois et les landes sont aujourd’hui classés Espaces Naturels Sensibles, culminait à plusieurs milliers de mètres d’altitude. Ce site est exploité par l’humain depuis très longtemps. En -52 avant J.C., alors que la Gaule devient romaine, les routes antérieures à la colonisation sont réutilisées et améliorées pour relier les cités, les villas et les camps militaires. C’est le cas d’une route qui passait à l’est du mont, reliant Bayeux à Jublains en Mayenne, dont le tracé correspond à l’actuelle D36. À la sortie du village, en direction de Campandré, se trouve un lieu-dit appelé La Bourbe Noire, un témoignage de l’extraction de la bourbe à l’époque gallo-romaine. Cet argile noir est le résultat de la décomposition des schistes noirs datant d’il y a 410 millions d’années. Il servait à la fabrication des tuiles. Le site du Mont Pinçon est également intéressant pour sa terre ferrugineuse. Avec l’érosion du massif armoricain, nous retrouvons effectivement du minerai de fer à la surface. Celui-ci est connu des gaulois et des romains, mais c’est surtout à la fin du Moyen-Âge qu’il est extrait. Les évêques de Bayeux, seigneurs propriétaires du Plessis-Grimoult, exploitèrent les mines de fer dans les bois du mont sur autorisation des rois de France. Les recherches minières ont duré plusieurs siècles avec des phases d’interruptions, avant de s’arrêter dans les années 1960.
Un Camp Romain
Entre la voie romaine et le Mont-Pinçon, les Romains transformèrent une ferme gauloise en un camp militaire. Ils ont rehaussé les talus et réaménagé l’intérieur pour accueillir une garnison de légionnaires. Cette garnison socialement hétéroclite, composée de romains et de gallo-romains, fait office de police locale. Le site est protégé par une seconde enceinte de plusieurs hectares qui n’est plus visible aujourd’hui. Les bâtiments en pierre et en bois ont également disparu. Il existait à proximité d’autres camps militaires à Roucamps et à Campandré-Valcongrain. Bien que ce camp n’ait pas fait l’objet de fouilles archéologiques, il demeure l’un des mieux conservés de la région (site privé, interdit d’accès).
L’ancien Château
Les restes du château que nous voyons aujourd’hui datent du XIe siècle. L’évêque de Bayeux confia un fief d’environ 100 km² à son vassal Grimoult, dont les origines sont inconnues. La seule chose que nous savons sur ce guerrier, c’est qu’il n’appartient pas à la cour du Duc de Normandie. L’évêque décide d’installer son château au Plessis, qui devient le centre de son fief. Cette décision n’est pas anodine. Le fief est traversé par plusieurs voies de circulation et le Mont Pinçon est un site stratégique par sa hauteur et par la richesse de ses ressources naturelles. Grimoult a pour rôle de contrôler ce territoire et d’y prélever les impôts et les taxes. En 1046-1047, il adhère à la conjuration visant à éliminer le jeune Duc Guillaume avec d’autres seigneurs bas normands. La rébellion est battue en août 1047 au Val-
Es-Dunes. Grimoult est le seul à être incarcéré à Rouen, avant de mourir en 1074 dans d’atroces conditions. Le château est démantelé et ne sera plus jamais utilisé.
La Stèle Commémorative
À la fin de l’été 1940, les Allemands installent une station de radio navigation sur le mont. Son objectif est d’orienter les avions de chasse vers l’Angleterre. La station comprenait une antenne posée sur un anneau circulaire tournant, afin d’être orientée vers la cible, un abri usine accessible par deux entrées avec une salle des machines, une salle d’opération et de calculs, ainsi qu’une chambre de repos pour les opérateurs. Le 30 juillet 1944, le Général Montgomery lance l’opération Bluecoat pour libérer le Bocage, alors infranchissable depuis des semaines. Les 8e et 30e Corps doivent s’enfoncer dans le Bocage en direction de Vire et de Flers. Ils sont 75 000 soldats britanniques face à 30000 Allemands particulièrement bien installés. Au nord du Mont-Pinçon, la commune d’Aunay-sur-Odon est libérée le 5 août, après avoir été complètement ravagée par les bombardements. L’attaque du Mont Pinçon est confiée aux 129e et 130e brigades de la 43e Division d’Infanterie. Le mont est fortement défendu par environ 800 hommes. Le 5 août, les Britanniques attaquent au sud vers la commune de Saint-Jean-le-Blanc. De terribles combats ont lieu au hameau d’Escures. Les soldats doivent traverser la Druance mais le village est trop bien défendu. Ils se replient vers Danvou-la-Ferrière. Dans la nuit du 5 au 6 août, de nouveaux plans sont dressés. La 129e Brigade doit attaquer à deux endroits sur deux axes parallèles empruntant deux ponts à La Varinière et la Roguerie. Le 6 août vers 13h30, l’artillerie ouvre le feu sur le mont et l’infanterie attaque les lieux prévus. Les combats sont très rudes puisqu’avec la chaleur, le
moindre mouvement déplace de la poussière et permet aux Allemands de voir toutes les manœuvres. Vers la fin de journée, depuis le carrefour de la Varinière, les chars Sherman du 13/18 Hussards découvrent un chemin qui semble mener au sommet du mont. Les blindés foncent sans support d’infanterie et lancent des fumigènes pendant la montée. Vers 18h30, 7 chars Sherman sont au sommet, ils vont y rester pendant plusieurs heures sans bouger. Les Allemands regroupés à l’est du Mont Pinçon, pensent que les alliés vont arriver par le nord. Dans la nuit, l’infanterie parvient à rejoindre les blindés, les fantassins s’enterrent et passent la nuit dans un brouillard très épais. Lorsque le jour se lève, ils sont nez à nez avec les Allemands qui se rendent. Les Britanniques font environ 300 prisonniers. Le lendemain, le 7 août, le village du Plessis-Grimoult au sud du Mont Pinçon est libéré.
L’antenne RTF
La Radiodiffusion-télévision française (RTF) a décidé d’installer un émetteur de 176 mètres de hauteur sur le Mont-Pinçon. Mis en service juillet 1956, il diffuse alors la seule chaîne de télévision française en noir et blanc. En 1968, il est remplacé par un pylône tubulaire de 216 mètres de hauteur. À côté se trouve un pylône haut de 56 mètres pour la téléphonie mobile et internet.
Cette visite vous a plu ? Retrouvez la programmation de nos visites de l’été dans l’agenda / Inscriptions au 02 31 66 28 50 / Pour découvrir les lieux énoncés dans l’article, empruntez le circuit pédestre n°33 – Le Mont Pinçon (téléchargement gratuit).